Les autres filles

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A quinze ans, Solange habite un village près de Toulouse avec ses parents. Son père se bat pour que perdure son élevage d'autruches et sa mère, plutôt frivole, saisit toutes les occasions pour déserter le foyer familial.
Mais ce qui préoccupe surtout Solange, d'un naturel timide et réservé, c'est d'entrer dans le monde des grands et pour cela de perdre sa virginité…

 

haut de page FRANCE -2000 - 1H 35

Réalisatrice : Caroline VIGNAL
Interprètes: Julie LECLERC - Caroline BAEHR - JF GALLOTTE - Bernard MENEZ
Image: Jeanne LAPOIRIE
Musique: Jean Stéphane BROSSE

haut de page CAROLINE VIGNAL

Après des études à la FEMIS (section scénario), Caroline Vignal a signé deux courts métrages, "Solène change de tête" en 1998 et "Roule, ma poule" en 1999 (Prix Louis Daquin du scénario, Prix spécial du Jury d'Alès et Prix Canal Plus à Grenoble), avant de réaliser avec "Les Autres Filles" son premier long métrage.

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Voici ce qu'en a pensé un critique - Cela n'engage que lui, mais peut vous éclairer
Le saut de Solange

Créneau. Scénaristiquement, l'adolescent a ses avantages : il parle cru, ne s'en laisse pas conter, se rebelle, casse du vieux. Il est dramatique, voire douloureux. Si c'est une fille, elle aura les seins qui poussent. Commercialement, il est en passe de devenir une règle.
Les Américains n'ont cessé ces dix dernières années de redessiner leur ligne cinématographique pour que celle-ci n'épouse plus que le rajeunissement (qui a dit l'abêtissement ?) du public. En toute logique, dans le paysage Biactol du cinéma, une place était à prendre pour parler autrement de l'adolescence. Une façon propre à l'adolescence ? Une façon de parler à l'adolescence ? On n'y est pas encore. Mais du moins un espoir de faire parler l'adolescence, son mystère, sa tête baissée, ses syllabes avalées, en partie en affir
mant se souvenir de la sienne, en partie en s'assurant avoir enquêté (le jeune est toujours à venir). Après avoir été tour à tour une cible (commerciale) et un dictateur (esthétique), l'ado est devenu sujet. La différence ? L'ado d'American Pie veut à la fois la fortune de son réalisateur et celle de la marque de skates qui le sponsorise; celui du ciné d'auteur préférerait qu'on arrête de lui casser les couilles.
A cela,
les Autres Filles de Caroline Vignal serait comme un modèle de réponse française : il y a du vrai, des accents, des lieux (la région toulousaine), un milieu socioprofessionnel (les lycées professionnels section coiffure) qui permettra à sa jeune réalisatrice (sortie de la Femis, section scénario) de promener son sujet sur les plateaux où l'attendent de pied ferme éducateurs, jeunes et sociologues, réunis pour dialoguer. Il y a aussi la part sensible de souvenirs charnels : le dépucelage, la grande affaire. Et entre les deux, il y a des silences ; et c'est au prix de ces silences que Caroline Vignal emporte le morceau, échappe à la catéchèse sociologique.
Grâce à Julie Leclercq. Si, des semaines après l'avoir vu, on garde le sentiment grandissant que
les Autres Filles vaut mieux que le format qui l'enserre, c'est essentiellement parce que le personnage de Solange est porté par une fille aux grands yeux tristes, une inconnue, qui n'a fait ni théâtre ni pub, pas plus que de photos pour Jeune et jolie : Julie Leclercq, arrivée là à contrecœur (c'est sa mère qui a envoyé la photo), menaçant de partir à tout moment, faisant mine de pouvoir planter équipe technique et spectateur, qu'elle dévisage d'un œil exaspéré, demandant visiblement qu'on cesse de l'observer grandir. Elle a toujours l'air d'avoir mieux à faire que du cinéma. Et en effet, Solange souffre d'une démangeaison. Sa pureté est en passe de devenir une tare. C'est ce que lui ont rabâché les autres filles, ses copines du BEP coiffure, un groupe de pintades ou de «pichasses» (on est à Toulouse) au creux duquel elle attend que ça passe, ou plutôt que ça vienne. S'en débarrasser donc, et fissa. Etre dépucelée. Déviergée. Balancer son hymen aux orties, avec le moins de romance possible. Qu'il soit nigaud, boutonneux, chevelu, vieux, macho, moustachu, bedonnant, blanc-bec ou turc, il fera l'affaire. Il compte pour du beurre. Ce qui importe, c'est la tache de sang. Du moins c'est ce qu'elle dit à Gary (une copine en galère), à Doc ou à Difool. Cette effronterie n'est que de façade. En elle-même, Solange attend. Le prince charmant ? Non, son heure à elle. Pas celle de ses sœurs, renvoyant le groupe uniforme des autres filles à ce qu'elles sont: de la violence pure, imposant sur elle une sorte de viol collectif imaginaire.
On dit qu'après, quelque chose change dans le regard. Dans celui des autres comme dans le vôtre. Cette transformation, Julie Leclercq l'a offert à sa réalisatrice. Il y a deux Solange, et il y a deux films. En retour, Caroline Vignal a saisi pour toujours
«ce petit quelque chose de désavantageux» qui n'était rien d'autre que son or. Au début, face au miroir, elle ne trouvait qu'une chose à dire: «J'ai l'air d'un loukoum.» A la fin, c'est Solange, à la face même du monde, qui se crie «morte, épanouie, explosée»...

Ph AZOURY - Libération - 30/08/2000

haut de pageINTERVIEW DE CAROLINE VIGNAL
Cplanete.com : L'affiche du film est très belle, représentative de l'ambiance du film. Un groupe de jeunes filles complices, allongées sur l'herbe, et une autre fille plus isolée (N.D.L.R : Solange, l'héroïne), un peu à l'écart…
Caroline Vignal : J'ai choisi l'affiche en accord avec le distributeur parmi d'autres propositions. Elle est tirée d'une scène du film, où l'on a simplement rajouté de l'herbe, et travaillé le cadrage initial.
Cplanete.com : Pourquoi avoir situé l'action de votre film à Toulouse ?
Caroline Vignal : Je suis originaire de Béziers. Je ne connaissais pas Toulouse avant de travailler sur le film. J'y suis simplement allée lorsque j'écrivais le scénario. La ville correspondait à ce que je voulais. Il y a une énergie importante, qui n'est pas forcément perceptible dans le film, mais c'est une ville à l'ambiance particulière qui m'a intéressée.

Cplanete.com : Comment avez vous travaillé avec Julie Leclercq (N.D.L.R : Elle a répondu à une annonce de casting dans " La dépêche du midi ") mais aussi avec les autres filles, actrices non professionnelles ?
Caroline Vignal : Nous étions dans un local de répétition à Toulouse, et nous avons passé environ trois mois à faire le casting. Après les cours des adolescentes, on faisait travailler, tous les matins, des groupes sur certaines scènes, et on regardait comment se déroulaient les essais entre elles. Je les faisais également danser ! .. Et apprendre le texte de la manière la plus neutre possible. On travaillait ensuite sur les déplacements, les regards. Il n'y avait pas de travail précis sur la psychologie des personnages. On ne se parlait pas trop. C'était plus " les faits ", un travail concret sur les regards et la vitesse de parole.

Cplanete.com : Dans la direction d'acteur, avez-vous senti des différences entre les professionnels et les non professionnels ?
Caroline Vignal : Oui. Avec Bernard Menez, tout s'est très bien passé car nous avions déjà travaillé ensemble sur l'un de mes deux courts métrages, et il est très agréable. Il comprend tout de suite ce que l'on veut. La peur que l'on peut avoir avec un tel acteur, c'est qu'il en fasse un peu des tonnes, son image étant collée à celle de la comédie de boulevard. C'est, en fait, un homme très humble et d'une grande générosité. Je me suis un peu " reposée " sur lui pour travailler davantage avec les filles, surtout dans les scènes de salon où elles sont nombreuses, et où il fallait déployer une importante énergie. Je n'ai jamais travaillé avec des non-professionnels adultes. Personnellement, j'adore les adolescents, je trouve particulièrement stimulant, fort et émouvant de poser un regard sur des gens qui ne sont pas acteurs. J'ai l'impression qu'il y a quelque chose en plus avec ceux qui ne se destinent pas à ce métier, et pour qui à la base, il s'agit avant tout d'une aventure.
Cplanete.com : Et pour ce qui est des acteurs dits " professionnels " ?
Caroline Vignal : En fait, la tache était plus difficile car ils ont soit une technique, soit une proposition à formuler. Leur travail déviait même parfois, et pour les ramener vers ce que je voulais, ça n'était pas toujours facile. J'ai beaucoup de mal à aller vers le conflit. Et c'est vrai qu'avec les filles, ce genre de difficultés ne se posait pas.
Même si, sur le coup, ce n'était pas toujours évident, à l'arrivée, je suis assez contente du travail de tous.
Cplanete.com : Un des éléments central du film est la description très directe de la vie de l'enseignement professionnel. Qu'avez-vous voulu montrer de ce milieu ?
Caroline Vignal : J'ai toujours été plus attirée par les gens modestes ou qui n'ont pas toujours eu une vie facile.
C'est un peu par hasard si le film se passe dans ce milieu. Ce qui m'a énormément passionné, c'est ce concentré d'adolescence. Pour des gens qui sont dans des milieux plus aisés, ou qui font des études plus longues, la période d'apprentissage à la vie adulte se dilue sur un laps de temps beaucoup plus long. Or, ici, pour les filles comme les garçons d'ailleurs, tout va très vite dans ce genre de formation. En arrivant, ce sont avant tout des gamines, et au bout d'un an, ce ne sont plus les mêmes. C'est saisissant ! J'ai vu des photomatons de filles au moment de l'inscription, que j'ai revu six mois après, et physiquement, la métamorphose est complète. Elle se répercute, avant tout bien sûr, physiquement, mais aussi sur tout le reste. Même si elles travaillent dans un cadre protégé, elles sont amenées à côtoyer des clientes qui ont, souvent, quatre fois leur âge. De par le métier qu'elles apprennent, elles deviennent extérieurement des " petites femmes ", mais pas totalement accomplies, intérieurement parlant.
Cplanete.com : Qu'est-ce qui vous a tant plu dans la gestuelle de la coiffure, que vous filmez parfois d'une manière extrêmement sensuelle ?
Caroline Vignal : Le fait qu'il y ait une personne, assise, passive, et complètement livrée à une autre personne, dégage quelque chose d'extrêmement érotique. Pour Solange, alors même qu'elle est phobique, qu'elle déteste le contact physique ou, plus généralement, vivre quelque chose de charnel, c'est son seul moyen d'approcher les gens, de les toucher. Mais d'une manière plus générale, lorsqu'on est coiffé (ou quel'on coiffe), une liaison se crée, il y a aussi une sorte d'impuissance. Pourtant, dans le film, la création de cette sensualité exacerbée n'était pas préméditée (même si je devais en avoir inconsciemment l'intuition), je me suis vraiment rendu compte de l'érotisme de la scène sur le tournage. Avec la chef opératrice, cette scène a été notre grand moment ! Les rushs étaient magnifiques. On sentait même que la scène aurait même pu déraper (Solange aurait pu poignarder son copain avec les ciseaux…) ! On sentait que quelque chose nous avait échappé. La séquence aurait pu durer dix minutes à l'écran, mais je me suis finalement restreinte.

Cplanete.com : Il y a des ruptures de tons flagrants dans le film. Pourquoi ?
Caroline Vignal : Par rapport à l'adolescence, ou même la vie en général, et comme je voulais être dans la tête de cette jeune fille, je trouvais qu'il était juste d'enchaîner les aléas de la vie, qu'ils soient drôles ou non…

Propos recueillis par Olivier Salvano

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