autour du film


  Contexte politique

C'est dans un contexte politique tout particulier qu'Alice a été tourné. En effet, à la fin des années 80, la République Tchèque était encore sous le joug d'une dictature communiste qui, contrôlant sévèrement la production cinématographique, n'autorisait que les films de propagande ou pour enfants. Fortement anti-communiste, le cinéaste refusait de se plier à la propagande et se voyait donc obligé, s'il voulait voir ses films distribués, de se tourner vers les œuvres enfantines. Ce qui ne l'a pas empêché de prendre de grandes libertés vis-à-vis de l’œuvre originale, libertés rendues possibles par le soutien de producteurs étrangers.

 

  L’influence de Lewis Carroll, un extrait du site ricochet-jeunes :

Alors qu'il se concentrait sur la réalisation de petits films surréalistes (ce qui lui a permis de se faire un nom en République Tchèque), Jan Svankmajer s'était déjà penché sur plusieurs livres de Lewis Carroll à partir desquels il avait réalisé quelques courts-métrages (Jabberwocky, Dans la Cave). A l'époque déjà, le cinéaste savait que son univers et celui de l'écrivain avaient assez de points communs pour que cela donne naissance à un long-métrage.

Interrogé sur ce qui l'avait poussé à se lancer dans l'adaptation d'un livre déjà maintes fois porté à l'écran, le réalisateur explique qu'il voulait corriger ce qu'il considérait être une erreur d'interprétation de l’œuvre originale. Selon lui, toutes les adaptations précédentes présentaient les pérégrinations d'Alice comme une véritable aventure, alors qu'il apparaissait clairement dans l’œuvre de Lewis Carroll qu'il s'agissait d'un rêve. C'est cette dimension que le cinéaste a voulu transmettre : "Tandis qu'un conte présente une certaine morale [...], le rêve est une expression de notre inconscient, la tentative de réaliser nos plus intimes désirs sans les barrières de la rationalité ou des inhibitions. Mon Alice est l'accomplissement d'un rêve".

 

  L’originalité de la vision de Svankmajer

La vision du réalisateur tchèque s'apparente en effet à une matérialisation d'un véritable cauchemar qui voit sa jeune héroïne évoluer dans des décors délabrés, croiser des squelettes d'animaux belliqueux, être sur le point de se noyer dans ses larmes avant d'être transformée en vulgaire poupée ! Si les situations principales du roman ainsi que le bestiaire carrollien sont largement ré-utilisés, le film se pare dès ses premières séquences (avec un Lapin Blanc au rictus effrayant et dont le ventre ouvert laisse s'échapper de la sciure qu'il s'empresse d'ingurgiter !) d'une atmosphère morbide et étouffante. Ce sentiment va s'accentuant alors que Jan Svankmajer multiplie les plans surchargés d'objets et de formes macabres qui évoquent une imagerie proche de la sorcellerie tandis qu'Alice se retrouve constamment dans des situations liées à la claustration et à l'asphyxie. Les créatures (presque toutes issues du roman) que la petite fille rencontre possèdent toutes une morphologie horrible voire menaçante ; bien que composées d'éléments ordinaires, leur apparence chimérique flirte avec la monstruosité (le ver à soie, par exemple, est une chaussette dotée de gros globes oculaires et d'un dentier...). Outre ce choix de traiter Alice sous cet angle anxiogène tout à fait inédit, Jan Svankmajer fait circuler puis proliférer dans le film bon nombre de ses obsessions et motifs récurrents : la décomposition, l'anthropophagie, la fusion entre l'animé et l'inanimé, la part de mécanique dans l'humain, l'idée que les objets sont dotés d'une mémoire... Ces derniers sont la vraie raison d'être d’Alice puisque ce sont eux, sous des formes les plus variées (généralement anthropomorphiques : poupées, fétiches, pantins, marionnettes, peluches...) qui régissent le microcosme imaginé par Jan Svankmajer.

 

  L’influence d’Arcimboldo

Ce sont les surréalistes qui ont véritablement redécouvert Arcimboldo, comme un ancêtre, un précurseur, et ce n’est bien sûr pas fortuit, c’est un maître du collage, du montage, de l’illusion; c’est aussi un grammairien qui joue avec un langage, avec des signes, des symboles. En fait, sa modernité est flagrante ; il interroge notre rapport avec la nature, soumise ici à une vision humano-centrique du monde, à notre choix de représentation, à notre domination.

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  L’influence surréaliste

Dans l’ombre de Carroll se lovent évidemment aussi tous ceux qui se sont réclamés de l’écrivain et dont Svankmajer hérite. A commencer par les surréalistes “historiques“. Mais si Breton, Ernst ou Aragon ont contribué grandement à la prolifération d’Alice et à son “iconisation“, Svankmajer surgit par la petite porte ignorée du surréalisme tchèque, underground, clandestin et dissident, en opposant un "surréalisme sarcastique" à celui "lyrique" d’André Breton.

 

  Rêve ou réalité ?

Les films surréalistes n’hésitent aucunement à déborder de la pensée dite « normale ». On cherche à représenter le monde du rêve et de l’imaginaire par tous les procédés imaginable. Jan Svankmajer travaille dès ses débuts dans la tradition des surréalistes. Dans le générique d’Alice, la voix off annonce d’emblée : « Maintenant je vais vous montrer un film fait pour les enfants, peut-être, si l’on se fie au titre. Pour cela, il faut fermer les yeux. Sinon, vous ne verrez rien du tout ». L’artiste tchèque invite le spectateur à une expérience onirique et nous demande d’essayer de regarder à l’intérieur de nous mêmes et de trouver des transcriptions de l’inconscient, du rêve, des pulsions et de les représenter. Mais le mot “peut-être” nous plonge dans un monde d’incertitude comme dans les contes fantastiques où le personnage se réveille et s’aperçoit qu’il a rêvé mais découvre un objet qui était dans son rêve. Est-ce un rêve ou la réalité? Visible et invisible, réel et fantastique sont en permanence présents dans leur inextricable enchevêtrement, dans leurs manifestations métamorphiques, dans leur porosité indécise.

L’épilogue qui ramène à l’image de la chambre du début n ’est pas une fermeture mais une ouverture : le puzzle  reconstitué n ‘est plus tout à fait le même qu’au début.

 

  Quelque chose d’Alice

Si le titre a tout simplement été traduit Alice à l'international, le titre original est bien plus précis. Neco z Alenky signifie en effet "Quelque chose d'Alice", ce qui souligne l’ambiguïté du film par rapport au livre, voire toute l’ambiguïté du personnage d'Alice lui-même.

 

  Des sites pour des accompagnements pédagogiques

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