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Des livres à notre Point festival :
Les Tsiganes, une destinée européenne d'Henriette ASSEO; éditions Découvertes Gallimard n°218; ISBN 978-2070531562
Mon amour ma vie de Claudie Gallay; éditions Actes Sud Junior; ISBN 978-2-7427-7374-9
Djelem, Djelem : une enfance Rom à Marseille de Bruno Ulmer et l'association Calle del sol; éditions Images en manœuvres à Marseille; ISBN 978-2-84995-101-9
Liens avec sites internet de critiques :
Télérama (critique complète ICI) :
Un dédale de baraques de tôle et de mobile homes, quelques bicoques en dur, tel est le camp gitan où Marco est né, hameau de misère coincé sous un échangeur de l'autoroute du Soleil, dans un coin oublié de Marseille. Marco, 11 ans, un regard de faon et déjà un passé d'incendiaire (la caravane de sa belle-mère), vient de fuguer du foyer où on l'avait placé. Il rentre au bercail, dans un été chauffé à blanc dont Karim Dridi (Bye-Bye, Pigalle...) capte magnifiquement la lumière crue.
Ce camp existe réellement, et le réalisateur y filme une histoire de garçons perdus à la peau dorée, fils de tout le monde et de personne, dans une communauté qui n'apparaît guère au cinéma que dans les rêveries flamboyantes d'Emir Kusturica ou de Tony Gatlif. Tourné avec les habitants du lieu, Khamsa prend une tout autre direction : exit les fantasmes et le folklore. Place au quotidien, heurté, chaotique, dans la poussière et le dénuement. Marco (un jeune comédien époustouflant, Marc Cortes) traîne, enchaîne les bagarres et les micmacs en tout genre, du vol à la tire jusqu'au cambriolage, tout en rêvant de devenir boulanger.
Jamais, pourtant, ce tableau d'un petit coin de quart-monde ne cherche à apitoyer. Karim Dridi montre la vie à l'état brut, l'énergie et la grâce de ces enfants, leurs plongeons téméraires dans les eaux du chantier naval de l'Estaque. Les combats de coqs, les parties de cartes, l'ivresse d'une virée en scooter, la verve extraordinaire des dialogues : tout ici sonne juste.
Cécile Mury
Le Nouvel Observateur :
Energie. Le nouveau film de Karim Dridi, jeune cinéaste embourbé depuis pas mal de temps dans des projets farfelus, en est plein jusqu'à la gueule. Chauffé à blanc par le soleil de Marseille (Dridi est de retour sur les lieux de «Bye-Bye», jusqu'alors son film le plus abouti), entraîné par la vigueur candide d'interprètes non professionnells, «Khamsa» fonce à toute allure, enjambe les obstacles, déjoue les pièges et prend les clichés de vitesse. Gitan par son père, algérien par sa mère, confié à une famille d'accueil, en fuite vers ce qu'il reste des siens, voleur à l'arrachée qui rêve de devenir boulanger, petit délinquant voulant croire qu'un combat de coqs le conduira jusqu'en Espagne, Marco vit entre deux mondes que personne ne voit, là, à deux pas de la ville, en contrebas d'un échangeur de l'autoroute du Soleil. Personne ne le voit, personne n'a envie de regarder vers le bas, il est plus facile et plus confortable de faire comme si ces gens n'existaient pas. Ils valent bien mieux que d'autres, pourtant, qu'on les regarde, qu'on les entende, Marco ne s'arrêtera pas de courir, son ami le nain (étonnante figure dont en deux plans trois mouvements le pittoresque s'évacue de lui- même) à ses côtés ou pas trop loin, ce n'est pas la vie, c'est du cinéma qui ramène à la vie, qui la transforme pour la rendre plus forte, qui en transmuant les personnes en personnages les rapproche de nous, les fait entrer dans un monde qui, s'il est le nôtre, est tout autant le leur.
Pascal Mérigeau
Libération (critique complète ICI) :
Le visage des damnés;
400 coups. « Khamsa », de Dridi, présente avec respect un monde de déclassés.
Marco, l’enfant gitan de 11 ans qui donne son visage et sa lumière à Khamsa, a beau être un personnage, une émanation, la figure artistique dans laquelle un cinéaste précipite un kaléidoscope de propriétés humaines, on éprouve à son égard un attachement qui n’est en principe possible qu’à l’égard d’une personne. Il y a vraiment très longtemps que le cinéma, où l’enfance est pourtant une dimension naturelle, ne nous avait offert ce cadeau gratifiant et douloureux : un personnage que l’on aime comme une personne mais qui est si jeune qu’il soulève une émotion inquiète et protectrice.
Dans Khamsa, Marco va vivre une sorte d’épopée bouillonnante d’énergie dramatique. Rejeté par sa belle-mère (qui ne le laisse pas approcher non plus ses demi-frères), lâché par son père ferrailleur, buveur et brutal, échappé du foyer socio-éducatif, il va encore subir la mort de sa grand-mère, commettre tous les délits à sa portée, ne glisser que de justesse entre les pattes de flics ou pis et, finalement, se prendre de plein fouet un fatum de tragédie. On pourrait croire le tableau surchargé, c’est l’inverse : avec l’assurance d’une étoile qui file dans un ciel limpide, Karim Dridi et son Marco (exceptionnel Marco Cortes) diluent tous ces orages dans la lumière d’un Marseille solaire et mordoré. Le rythme est vif et léger et la zone des camps gitans, des bas-fonds de l’Estaque ou des rebuts industriels est filmée comme elle est aimée et habitée : sans aucun pittoresque. De petits larcins en gros braquages, la vie de Marco est surtout consacrée à son réseau d’amis, copains, cousins, complices, avec lesquels la tchatche reste un art et la fidélité un passeport. Coyote, Rita, Lola, Rachitique, la Fouine ou Zé sont d’inoubliables galériens. Là encore, Dridi regarde ce monde de déclassés, souvent damnés, sans la moindre compassion freak, mais dans un tête-à-tête de dureté respectueuse.
Khamsa est l’histoire du recentrage du cinéaste vers cet essentiel. Il persiste absolument dans ce qui constitue son cinéma par ailleurs, mais, en organisant toute la rotation de Khamsa autour d’un axe dont le juvénile Marco est le môle, il approfondit ce qui est le plus fort en lui : cet enfant qu’il était et qu’il n’a pas quitté, qui a résisté à tout et qui est devenu cinéaste. Si le film n’a rien d’une autobiographie, il raconte une histoire de la violence, une domestication de la rage, qui fait profondément écho à cette matière insurgée où Dridi, depuis Pigalle, avec des hauts et des bas mais sans jamais céder à la tyrannie du « sujet » ou à la bonne conscience du dossier, a puisé tout son cinéma. Vers quoi file exactement le destin de Marco est une autre et gravissime question. Si le film de Dridi est troublant c’est aussi en vertu de sa beauté implacable. Tant de vie, tant de force, tant de grâce observées avec vérité et pessimisme : Khamsa espère sans doute nous émouvoir, nous insurger, nous toucher, mais il ne compte pas nous laisser dormir tranquille.
Olivier Séguret - Libération du 8 octobre 2008
Le Monde :
On voudrait parfois que Dridi ménage une pause, qu'il arrête d'appuyer là où ça fait mal, comme ça doit arriver parfois, même dans la vie d'un métis de Gitan et d'Algérienne en cavale. Mais si jamais 'Khamsa', le film, ne relâche la pression, c'est qu'il y avait urgence à ce qu'il soit fait ; il y a aussi urgence à aller le voir.
Thomas Sotinel (8 octobre 2008)