Écrits et images


 Quelques critiques

Télérama - Cécile Mury

L’Express - Christophe Carrière

Libération – Didier Peron

Le Figaro

Le Monde

Une dernière analyse critique du film

 

Télérama - Cécile Mury

Rachael, Levi, Tory et les autres ont 10 ans, parfois moins. Ils prient pour la pureté de l'Amérique, le salut du président Bush et contre l'avortement. Heidi Ewing et Rachel Grady les ont filmés durant de longs mois, depuis Kansas City, où ils vivent, jusqu'à un camp d'été dans le Dakota. Pasteur pentecôtiste, Becky Fischer dirige cette colo très spéciale, qui invite les enfants à honnir le « sacrilège » Harry Potter et à laver leurs péchés dans « le sang du Christ ».

Sur ces enfants manipulés, les documentaristes se sont appliquées à poser un regard attentif, tendre. Vives, intelligentes, elles nous font sentir les ravages d'une éducation tournée vers la crainte obsessionnelle du Mal. Pas de commentaires, juste des images qui racontent l'aliénation et l'endoctrinement. Les multiples mouvements évangéliques concerneraient à divers degrés environ cent millions d'Américains. Une communauté au noyau ultra-conservateur politiquement très influent. En contrepoint, le film fait une place à Mike Papantonio, chrétien progressiste, avocat et chroniqueur radio, qui pousse un cri d'alarme sur cette nouvelle droite religieuse. Dans la pénombre du studio, devant son micro, il semble bien seul.

Au camp d'été fondamentaliste Kids on Fire, dans le Dakota du Nord (Etats-Unis), galvanisés par Becky Fisher, pasteur ultraradical, les gamins sont persuadés que Jésus est en eux. Ils prêchent comme des grands, pleurent quand on leur parle d'avortement, entrent en transe quand ils prient. Les scènes, édifiantes, se passent de commentaires. D'ailleurs, il n'y en a pas. Le film de Heidi Ewing et Rachel Grady ne cherche pas à convaincre d'un danger immédiat de l'intégrisme. Le tandem constate et laisse la parole aux «born again», ainsi que les enfants se surnomment, à leurs parents, à un porte-parole de George W. Bush et, en contrepoint, à un animateur radio chrétien aussi effrayé que nous.

 

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L’Express - Christophe Carrière

Au camp d'été fondamentaliste Kids on Fire, dans le Dakota du Nord (Etats-Unis), galvanisés par Becky Fisher, pasteur ultraradical, les gamins sont persuadés que Jésus est en eux. Ils prêchent comme des grands, pleurent quand on leur parle d'avortement, entrent en transe quand ils prient. Les scènes, édifiantes, se passent de commentaires. D'ailleurs, il n'y en a pas. Le film de Heidi Ewing et Rachel Grady ne cherche pas à convaincre d'un danger immédiat de l'intégrisme. Le tandem constate et laisse la parole aux «born again», ainsi que les enfants se surnomment, à leurs parents, à un porte-parole de George W. Bush et, en contrepoint, à un animateur radio chrétien aussi effrayé que nous.

Le cinéma intervient dans le montage, brillante synthèse d'images filmées par deux caméras. Les réalisatrices font le tour de leur sujet, ne généralisent pas plus qu'elles ne lénifient. Un documentaire terrifiant.

 

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Libération – Didier Peron

Au cas où l'actualité ne suffirait pas à attirer sur les Etats-Unis les rayons laser de l'expectative universelle, le documentaire Jesus Camp vient en rajouter une couche en nous plongeant dans la chouette ambiance d'un camp de vacances de fondamentalistes chrétiens. Les deux réalisatrices Heidi Ewing et Rachel Grady ont planté leur caméra dans l'entourage du pasteur femme Becky Fischer qui cornaque une église de pentecôtistes, une sous-catégorie des évangéliques, branche du protestantisme plaçant la Bible au coeur de l'existence spirituelle mais aussi politique, conditionnant les valeurs morales et le savoir scientifique. Ainsi, dans une des premières séquences du film, on voit une mère de famille enseigner à son gamin qu'il ne faut pas croire les sornettes sur le réchauffement climatique. Et le dossier de presse rappelle que 54 % des Américains ne croient pas aux théories évolutionnistes de Darwin.

Volapuk. Une centaine d'enfants participent au camp d'été «Kids on Fire» dans le Dakota du Nord, au bord d'un lac. Tous les jours, Becky Fischer, sorte de walkyrie de la foi obscurantiste, ne lâche pas ses ouailles, les bombardant de slogans, les incitant à prêcher comme les grands, organisant des séances de défoulement où ils cassent à coups de marteau des tasses de café pour détruire le Mal, avant de se lancer dans une chorégraphie guerrière, vêtus de tenues de camouflage, ou de baiser la main en carton d'une effigie grandeur nature de George Bush. Fischer et ses sbires, une bande de zélotes chauffeurs de salles qu'on croirait échappés d'une émission de télé parodique, radicalisent les kids qui, selon le rituel pentecôtiste, finissent par entrer en transe, pleurant, tombant à genoux ou se tortillant au sol en débitant le volapuk des born again, ces phrases en langue inconnue qui viennent au croyant parvenu à l'ultime stade de l'embrasement.

Fischer ne cache pas que ces camps sont l'équivalent chrétien des madrasas musulmanes, ces couveuses à djihadistes. Elle forme des guerriers pour de futurs chocs de civilisation et, pour certains des enfants interrogés dans le documentaire, leur père est déjà parti combattre en Irak.

Prostitué. Une des séquences les plus gratinées est celle où l'on voit le pasteur star Ted Haggard inciter le jeune Levi à poursuivre dans la voie du prêche, notamment en jouant, dit-il, de son joli minois. Haggard, père de cinq enfants, a dû démissionner en 2006 de ses fonctions de leader de la New Life Church, après avoir reconnu qu'il s'était fait masser par un jeune prostitué de Denver et qu'il avait acheté des amphétamines !

 

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Le Figaro

De bonne foi

Un titre français aurait mieux fait ressortir le double sens : le camp de Jésus, c'est à la fois le parti de Jésus tel que le conçoivent les évangéliques américains, c'est-à-dire très politique, et le camp de vacances organisé par Becky Fisher, trépidant pasteur pour enfants, pentecôtiste à la foi chevillée au corps, convaincue de l'urgence de former une génération qui soit celle « de la pureté, de la sainteté ». Heidi Ewing et Rachel Grady, les deux réalisatrices de ce documentaire, ont choisi un très bon angle d'attaque (car elles attaquent), en se focalisant sur la jeunesse et l'éducation. Becky Fisher entend rivaliser avec les musulmans qui « entraînent les enfants, dès 5 ans, à jeûner durant le ramadan », et inculquer aux petits chrétiens des principes aussi forts, mais dans un sens opposé, que ceux des petits islamistes entraînés au terrorisme. « On est comme des soldats, mais en plus marrant », commente une petite fille.

On voit des enfants perroquets qui récitent leur leçon, tantôt sentencieusement comme Victoria, 10 ans : « Quand je danse, je dois être sûre que ça vient de Dieu. Sinon, ça viendrait de la chair », tantôt avec la spontanéité de leur âge : « Ce sera super de parler de Jésus aux filles qui se font les ongles ! », assure drôlement une gamine. Où finit l'éducation, où commence l'endoctrinement ? Où finit la religion, où commencent les dérives idéologiques ? Le débat est ouvert très sainement par ce film, parce que Becky Fisher, si contestables que soient ses partis pris (et ils sont vivement contestés par Mike Papantonio, avocat et animateur d'une radio chrétienne), est animée par une conviction sincère et se montre telle qu'elle est, dans un contexte culturel très américain. Sa franchise presque naïve au regard de la dissimulation savante des scientologues ou des gnostiques, permet de réfléchir en toute bonne foi.

 

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Le Monde

Becky Fisher est une femme pasteur pentecôtiste, cette branche du protestantisme qui se distingue notamment par la manière exubérante et hyper émotionnelle avec laquelle ses croyants expriment leur foi. Elle prêche exclusivement pour les enfants et a fondé pour eux, dans une forêt du Dakota du Nord, un camp de vacances ouvertement voué à les endoctriner.

Devant la caméra, elle explique que, de 7 à 9 ans, on peut faire croire n'importe quoi à un être humain, et cela restera gravé dans son cerveau pour la vie. Ces enfants sont pour elle le nerf d'une nouvelle guerre qui vise à faire triompher les valeurs évangélistes, à interdire l'avortement aux Etats-unis, à imposer la doctrine créationniste, à fusionner l'Eglise et l'Etat... Son modèle, Becky Fisher l'a trouvé chez les fondamentalistes musulmans, qui ont compris que cet âge tendre est le plus propice pour convaincre un individu de mourir en martyr. Il est grand temps de nous y mettre, claironne Becky Fisher, et nous triompherons, "parce que nous détenons la vérité" !

Tout un programme, qui glace véritablement le sang lorsque l'on découvre les enfants en larmes, littéralement tordus de douleur, se repentant d'avoir lu les aventures d'Harry Potter (un sorcier est un ennemi de Jésus), ou d'avoir dit un gros mot à l'école. L'arrivée d'une effigie en carton de George Bush, que toute l'assistance est appelée à vénérer, ferait presque sourire, si elle n'était pas suivie par une scène de lavage de cerveau qui condense à elle seule les racines du cinéma d'horreur américain : un lobbyiste du mouvement "pro-life" explique aux enfants qu'ils ont tous été créés par Dieu, chacun avec un magnifique projet de vie écrit spécialement pour lui. Il leur met dans les mains des petites poupées en forme d'embryon, et leur raconte que des milliers de petits amis à eux ont été tués par des avortements, puis les bâillonne d'un morceau de scotch rouge portant l'inscription "life", et leur demande de prier pour George Bush, et pour que le nouveau juge élu à la cour suprême soit le candidat "pro-life". Il les emmène ensuite se geler devant le Congrès à Washington, leur bâillon sur la bouche, pour faire pression sur cette élection - qui a effectivement abouti à l'élection de Samuel Alito, le juge en question.

Ces collusions entre la politique gouvernementale et le mouvement évangéliste, auquel appartient M. Bush ainsi que 38 % d'Américains, sont au centre du film. Depuis que les démocrates ont remporté les dernières élections, ces collusions ont perdu un peu de leur actualité. Ce qui reste, en revanche, c'est le fanatisme de Becky Fisher et des parents des enfants (dont certains refusent d'envoyer leur progéniture à l'école), la violence et l'efficacité avec lesquelles ceux-ci sont manipulés.

Si le film pèche par certains aspects - une narration menée tambour battant, resserrée sur quatre personnages, et plus généralement sur une communauté particulièrement extrémiste, dont on ne mesure pas le poids réel -, il n'en offre pas moins un éclairage saisissant sur ce que l'on pourrait appeler la continuation du fascisme par d'autres moyens. Il rétablit, et ce n'est pas son moindre mérite, une vérité qui tend souvent à être oubliée : la violence religieuse n'est le monopole d'aucune confession.

 

Une dernière analyse critique du film, site www.temoins.com

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