Joseph Losey et Bertolt Brecht
Joseph Losey n’aura réalisé que trois films aux Etats-Unis : Le garçon aux cheveux verts, véritable parabole sur le racisme tournée en 1948, qui sera suivi de Haines (1950) puis du Rôdeur en 1951. L’ancien étudiant de Harvard déplaît aux autorités américaines dès ses premières réalisations dont la rhétorique marxisante et l’inspiration brechtienne semblent de mauvais ton durant la chasse aux sorcières.
Joseph Losey avait découvert l’œuvre de Bertolt Brecht lors d’un séjour en Allemagne au cours des années 30 et avait monté Galileo Galilei en 1947.
LES ETATS-UNIS APRES 1945 : LE MACARTHYSME
Les origines du maccarthysme remontent à 1946. Le 25 novembre de cette année-là, le président Truman met en place une commission temporaire, chargée d'enquêter sur la loyauté des fonctionnaires fédéraux. Sont considérés comme déloyaux les partisans du totalitarisme, du fascisme, du communisme et tous ceux qui prêchent la subversion du régime. A partir de 1947, les administrations reçoivent la consigne d'interroger leurs employés et de renvoyer éventuellement les security risks, ceux qui, par leurs opinions sinon par leurs activités, menacent la sécurité des États-Unis. L'attorney general établit la liste des organisations subversives, dont les membres et les amis sont les suspects. Le FBI recueille des renseignements et les transmet, si nécessaire, à la commission de contrôle de chaque administration.
Le Fédéral Bureau of Investigation a été créé en 1908 ; il est dirigé par J Edgar Houver entre 1924 et 1972. Hoover ne s'en tient pas à la lettre des instructions qu'il a reçues. Il crée des fichiers qui ne cessent pas de grossir. Par exemple, lorsque la Seconde Guerre mondiale éclate, il fait dresser la liste des personnes qui manifestent de la sympathie pour l'Allemagne, l'Italie ou le communisme. Il suffit de relever les noms des abonnés à certains périodiques, des adhérents à des associations suspectes. Les indicateurs fournissent des compléments d'information. Puis, Hoover ajoute les résidents étrangers, voire les citoyens des États-Unis qui, à son avis, peuvent nuire aux intérêts du pays, instaure une censure sélective du courrier ; plus tard, il procède à l'installation de micros clandestins ou de tables d'écoute sans se soucier d'obtenir l'autorisation du pouvoir judiciaire. A la fin de la guerre, le FBI est devenu un redoutable instrument entre les mains de son directeur qui participe activement à la lutte contre les communistes. Une loi, l'Internal Security Act de 1950, étend les pouvoirs du FBI et permet à Hoover de donner plus d'ampleur à ses fichiers. En 1951, la, procédure de contrôle est encore aggravée : plus besoin d'apporter des preuves sur la déloyauté d'un fonctionnaire, de simples doutes suffisent pour justifier la révocation. La purge révèle t-elle le noyautage des rouages administratifs ? En fait, de 1947 à 1953, 26 000 employés de l'administration fédérale ont fait l'objet d'une enquête approfondie ; 16 000 ont été déclarés innocents ; 7 000 ont démissionné et 739 ont été révoqués, les uns parce qu'ils appartenaient à des organisations dites subversives, d'autres pour immoralité sexuelle ou homosexualité, d'autres enfin parce qu'ils avaient recouru à l'usage de la drogue. Quoi qu'il en soit, la chasse aux sorcières a bien commencé et c'est le pouvoir exécutif qui l'a ouverte.
Le Congrès, de son côté, ne reste pas inactif. Depuis 1938, la Chambre des représentants dispose d'une commission sur les Activités anti-américaines (House Un-American Activities Committee, HUAC) qui combat les influences nazies, fascistes et communistes aux États-Unis. En 1947, la HUAC entreprend une, vaste enquête dans les milieux du cinéma. En convoquant le "tout-Hollywood" elle est assurée de faire parler d'elle, de bénéficier d'une publicité extraordinaire et gratuite. Les stars défilent. En fin de compte, dix personnalités, parmi lesquelles, Dalton Trumbo, Ring Lardner et Edward Dmytrik, refusent de dire si elles sont ou ont été membres du parti communiste. Elles sont condamnées à des peines de prison. Un bilan bien maigre pour la commission. A la fin de l'été 1948 éclate l'affaire Alger Hiss, l'un des new dealers les plus brillants, un diplomate qui a participé à la conférence de Yalta et joué un rôle de premier plan dans la fondation de l'ONU, bref un membre éminent de l'establishment politique. Hiss est accusé par la HUAC d'avoir appartenu au parti communiste et transmis des documents officiels à l'Union soviétique. Est-il vraiment coupable ? On ne le sait toujours pas aujourd'hui. Mais il est condamné pour faux témoignage, le 21 janvier 1950, à cinq ans de prison. L'affaire a porté sous les feux de l'actualité un jeune représentant de Californie, Richard Nixon, qui a été un très zélé enquêteur et a su, dit-on, démasquer le traître. (...). Les espions ne sont-ils pas partout présents ? Les Anglais arrêtent Klaus Fuchs en février 1950 ; les Américains, les époux Rosenberg en juin-juillet : n'ont-ils pas livré aux Soviétiques les secrets de la bombe atomique ?
Certes les effectifs du parti communiste sont ridicules mais son influence ne l'est pas.
C’est le 9 février 1950 que Joseph Mccarthy, sénateur républicain du Wisconsin, dénonce, dans son discours de Wheeling (Virginie-Occidentale), la mainmise des communistes sur le département d'État. Des preuves, il n'en a pas. Il prêche la croisade, accentue un traumatisme et tâche d'en profiter pour sa carrière politique. (...) Des listes noires circulent avec les noms de ceux qu'il faut écarter. (...) La délation se transforme en instrument de défense. Pour se disculper, on donne des noms. En avril 1951, Dmytrik livre les noms de vingt-six communistes de Hollywood. Elia Kazan, qui milita au parti communiste de 1934 à 1936, dit à la HUAC en 1952 ce qu'il croit savoir sur l'emprise communiste dans les milieux du cinéma. Puis, il achète une page entière du New York Times pour s'expliquer et tourne Sur les quais qui fait l'apologie de l'indic, de celui qui brise la loi du silence pour faire triompher la justice tout en renonçant au confort de la complicité. A l'inverse, Arthur Miller exalte dans les Sorcières de Salem (1953) et dans Vu du pont (1955) le courage des adversaires de l'inquisition et stigmatise la lâcheté. Un thème qu'on retrouve, par exemple, dans le film de Fred Zinnemann, Le train sifflera trois fois (1952). Charlie Chaplin, victime d'une campagne de presse d'autant plus violente qu'il a conservé des amitiés coupables et qu'après un séjour de quarante et un ans aux États-Unis il n'a toujours pas pris la nationalité américaine, se réfugie en 1952 en Europe. Jules Dassin, sur la liste noire depuis 1947, suit l'exemple, tout comme Joseph Losey. (...) Le général Marshall, l'organisateur de la victoire américaine de 1945, l'auteur du célèbre plan, l'ancien secrétaire d'État et secrétaire à la Défense, subit de violentes attaques pour n'avoir pas soutenu Tchang Kaï chek en 1946. Jusqu'au jour où, en 1954, Mccarthy va trop loin, s'en prend à l'armée tout entière et menace directement les fondements de la société politique. Les caméras de la télévision font découvrir, en cent quatre vingt sept heures d'antenne réparties sur trente-cinq jours, à 20 millions de téléspectateurs l'homme odieux qu'il peut être. Ses amis le lâchent. Ses collègues au Sénat se décident, enfin, en décembre 1954, à condamner son attitude. Mccarthy meurt, dans l'oubli, en 1957. (...)
Sur les cent trente mesures d'expulsion qui ont frappé des étrangers, vingt-six ont été appliquées. En revanche, des employés, des ouvriers, des enseignants ont perdu leur emploi. (...) Mais le principal instigateur et le principal bénéficiaire du maccarthysme, c'est le parti républicain."
D'après André Kaspi, Les Américains, Point Seuil
http://histgeo.free.fr/troisieme/eu/carthy.html
Joseph Losey et Dean Stockwell
Joseph Losey L’œil du maître, textes réunis et présentés par Michel Ciment . Institut Lumière / Actes sud (1994)
Ainsi vous voulez que votre enfant soit acteur !
« Dean n’est pas seulement l’un des meilleurs enfants-acteurs avec lesquels j’ai travaillé, mais sans aucun doute l’un des meilleurs acteurs. Tout d’abord, il a un talent immense [. . .] un sens instinctif du « timing »[. . .]. Il a un visage parfait pour un acteur, expressif, mobile, maîtrisé et profondément sensible. Outre ces atouts naturels, Dean est un acteur hautement professionnel avec un grand savoir-faire technique [. . .]. Ce savoir-faire englobe la connaissance de l'éclairage, du maquillage et d'autres techniques apparentées. [. . . ] Il n'a pas la grosse tête et reste un enfant comme les autres. [. . . ] Quand on explique la signification d’une scène, il y a un péché cardinal à ne pas commettre avec les enfants : c’est de leur parler avec condescendance. [. . . ] Parfois, pour alléger le jeu du comédien, il faut trouver de petites absurdités, des choses qui ravissent l’enfant. Vous verrez dans le film une séquence où Dean fait des grimaces devant une glace. C’est un mélange de quelques grimaces que j’aimais faire quand j’étais moi-même enfant et de certaines des siennes, et le plaisir que nous avons tous deux pris à ce jeu est évident dans la scène. [. . .] Parfois il est difficile pour un enfant de jouer des scènes où il doit pleurer, être très fatigué, ou montrer des émotions qui sont très éloignées des siennes à ce moment précis. [. . .] Par exemple, dans une scène, il fallait que Dean soit physiquement fatigué, j’ai entrepris de faire deux ou trois fois le tour du pâté de maisons en courant avec lui, ce qui l’a ravi, vivifié, et m’a complètement épuisé. [. . .] Les enfants-acteurs sont aussi des personnes. Ce ne sont ni des phénomènes, ni des « petits hommes ». Ils sont à la mesure de leur propre talent, de leur caractère, de leur personnalité et de leurs parents. »
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Cependant force est de constater qu’une bonne partie de la production hollywoodienne reposait ou repose encore parfois sur des critères d’exploitation et non sur une démarche authentique, capable d’éclairer sous un jour nouveau la relation entre l’enfant et son milieu. Le clinquant d’Hollywood focalise essentiellement l’attention du spectateur sur l’enfant-star, l’histoire étant le plus souvent secondaire. Elle sert à faire passer le message d’optimisme à travers le regard, la démarche et les gestes d’une figure innocente. Le public américain supporte mal de voir grandir ses chouchous qu’il place sur un piédestal.
Une fois entrés dans l'âge adulte, les enfants-stars sont vite boudés par le public. Shirley Temple, archétype de la tribu des acteurs précoces, imbattable au box-office dans les années 1930, adorable poupée aux boucles d'or sombre dans l'oubli dès l'adolescence. Et que dire de Macaulay Culkin, vedette des années 1980 avec Maman, j'ai raté l'avion ? A présent, il ne fait parler de lui qu'à travers ses démêlés avec la justice.
Jackie Coogan (le jeune héros du Kid de Chaplin) connut une baisse de popularité flagrante dès qu’il passa l’âge fatidique de ses treize ans. Deux ans après la mort de son père, il fut mis à la porte de sa propre maison et se retrouva sans un sou. Le procès qu’il intenta à sa mère et à son beau-père lui permit de récupérer une maigre partie de l’argent qu’avaient rapporté ses films. Peu de temps après ce scandale, une loi fut votée, sous le nom de Coogan’s Law, qui oblige parents et tuteurs légaux à verser la moitié des gains de leurs protégés sur un compte spécial dont ceux-ci profiteront à leur majorité.
Utilisation de ce film en éducation civique (5ème)
Marie-Noëlle Gairaud-Deschamps
http://cinehig.clionautes.org/article.php3?id_article=165
J’utilise ce film en 5e, en éducation civique dans le chapitre traitant du refus des discriminations (en alternance avec "Ma vie en rose" d’Alain Berliner). Je le passe dans son intégralité en VO sous-titrée et, exploitation comprise, cela prend trois heures (soit une semaine). Je leur distribue la fiche technique avant la 1ère heure de diffusion et le questionnaire à la fin de la diffusion ; ils sont autorisés à travailler en groupes : c’est même hautement recommandé.
Dans l’évaluation, je leur propose de raconter la suite du film en prenant la place du héros, de retour chez Gramp’.
1ERE PARTIE : COMPREHENSION DE L’INTRIGUE
- Dans quel pays et à quelle époque se tient l’action du film ?
- Qui est le héros du film ?
- Quel événement déterminant pour lui intervient au début du film ? En est-il conscient ? Que devient-il ?
- Quelle est la profession de celui qui recueille le héros en définitive ?
- Quel accueil est fait au héros dans son école puis dans la ville en général ?
- Lors de la collecte pour les orphelins, de quoi le héros prend-il conscience ? Comment, d’abord, réagit-il ?
- Quelle est sa seconde réaction ?
- Quel sujet semble préoccuper les adultes dans l’épicerie ? Comment le héros réagit-il à leur discours ?
- Lors du dîner suivant, quel élément porteur d’espoir Gramp désigne-t-il ?
- Que se passe-t-il le lendemain matin ?
- Comment le héros réagit-il ? De la petite fille ? De Gramp ? Des autres adultes ? De ses camarades ?
- Quelle solution envisage-t-il face à la réaction des autres habitants de la ville ? Pourquoi y renonce-t-il ?
- De quel message se fait-il le porteur ? Est-il entendu ?
- Que se passe-t-il dans les bois lorsque le héros s’y rend pour la seconde fois ?
- Quelle décision Gramp et le héros prennent-ils à l’issue de ces événements ?
- Que se passe-t-il la nuit suivante ?
- Comment se conclut l’entretien avec le docteur Evans, au commissariat ?
- Quelle décision le jeune héros prend-il en définitive ?
2E PARTIE : LE SENS DU FILM ET LE "MESSAGE" DU REALISATEUR
- Qu’est-ce qui fait du héros un personnage "différent", "isolé" au début du film ?
- Quand cet isolement semble-t-il prendre fin ?
- Quel incident rappelle au héros sa singularité ?
- Pourquoi, dans un premier temps, cette singularité est-elle acceptée par le reste de la société ?
- Comment cette singularité est-elle, par la suite, concrétisée ? Est-elle réelle ? Pourquoi cette couleur ?
- Quels sont les arguments qu’apporte la société pour rejeter cette particularité ?
- Comment peut-on nommer un tel rejet ?
- Comment, malgré tout, le héros fait-il de cette singularité un atout ?
- Quels sont les deux passages du film au cours desquels cette singularité est-elle rejetée par la société ?
- Qu’est-ce qui prouve que l’intégralité de la société rejette le héros et sa différence ?
- Qui, dans la société accepte la différence ? Pourquoi sont-ce justement ces personnages ?
- En quoi la décision finale du héros montre-t-elle que celui-ci a "grandi", gagné en maturité ?
- Finalement, qu’est-ce qui est indispensable pour combattre la discrimination ?
- Qu’est-ce qui importe dans l’attitude du héros aux yeux des deux médecins ?