L’ESPAGNE DES ANNEES 30

 

LA SOCIETE ESPAGNOLE

Au début des années 30, le pays est une monarchie de 24 millions d’habitants. Deux « Espagne » s’opposent.

 La première est traditionnelle. Elle s’appuie sur le monde rural (2 millions d’agriculteurs), mais surtout sur le Clergé. Fidèles au message du Pape, la hiérarchie catholique et les prêtres défendent une société basée sur la foi religieuse, la tradition, la discipline et la propriété.

La seconde est moderne. Elle s’appuie sur le monde ouvrier et les villes. Elle tire ses racines des luttes révolutionnaires successives, commencées au XIXème siècle par les nationalistes insurgés contre l’envahisseur Napoléon. Elle défend la libre pensée et le choix individuel, mais aussi la collectivisation agraire en matière économique.

l’Espagne traditionnelle : procession dans Madrid en 1936

 

LES EVENEMENTS POLITIQUES

En 1931, le Roi ALPHONSE XIII quitte le trône, et la IIème République est proclamée. Alcala ZAMORA est élu Président de la République. La constitution fait de l’Espagne « Une république des travailleurs de toutes les classes », « Un Etat intégral compatible avec l’autonomie des Municipalités et des Régions ». Le Chef du Gouvernement Manuel AZANA déclare alors que « l’Espagne catholique a cessé d’exister. L’anti-Espagne d’hier est devenue la patrie unique d’aujourd’hui ». Pour lui, les adversaires d’hier ne sont que des attardés. Il y mêle agriculteurs, propriétaires, religieux.

 

La République a pourtant du mal à ‘imposer dans le domaine économique, social et politique. Des réformes n’arrivent pas à éliminer la misères d’une majorité d’ouvriers agricoles qui sont employés par de riches propriétaires. Une loi de 1933, contre les congrégations religieuses, dresse les catholiques contre le nouveau régime. D’un autre côté, les poussées les plus révolutionnaires sont réprimées : 1300 tués, 3000 blessés, et 30000 personnes arrêtées pendant la grève des Mineurs en Asturie.

 

Les deux camps (l’Espagne traditionnelle et l’Espagne moderne) s’opposent durant les élections qui jalonnent la brève existence de la République entre 1931 et 1936. La droite revient au pouvoir en 1933. Mais l’opposition peut-être également violente. Des couvents et des églises sont incendiés. Des paysans s’entretuent face aux gardes civils républicains. En 1935, 45 décès de mort violente sont constatés pour motifs politiques. Même si la victoire des républicains est confirmée en février 36 par la victoire du « Frente Popular » (Front Populaire) où s’allient socialistes et communistes, la violence continue. Entre février et juin 1936, pendant le « Printemps tragique », 146 attentats à la bombe font 269 tués et 1287 blessés.

 

C’est dans ce contexte que débute la guerre civile en juillet 1936. Les militaires, jusque là attentistes (mais par tradition plus favorables à l’ordre), se révoltent contre la République sous la direction d’un Général, dont les troupes sont stationnées au Maroc Espagnol : FRANCO. Il réussit à rassembler à peu près tous les cadres de l’armée, les partis de Droite et bien sûr il est activement soutenu par le clergé.

Le général FRANCO aux côtés de l’Archevêque de Séville.

« Il s’agit non pas de livrer une guerre, mais une croisade ».

 

Les républicains dans un combat de rue dans Madrid

 

 

Trois ans d’une guerre fratricide, vont finalement voir la victoire des anti-républicains. Leur victoire finale s’achève en mars 1939, avec la chute de Madrid. FRANCO s’installe définitivement au pouvoir jusqu’à sa mort en 1975.

 

L’insurrection contre les républicains commence au Maroc Espagnol, où les troupes du Général Franco stationnent en Juillet 1936. Après la tentative ratée, les nationalistes se maintiennent au Nord-Ouest du pays. Puis, en 1937, ils progressent vers le Sud et l’Ouest. Ils vont occuper le Pays-Basque et la Catalogne en 1938. Enfin, ils contrôlent l’Est et la capitale en 1939.

 

LES RAISONS DE LA DEFAITE DES REPUBLICAINS

On ne peut dissocier cette guerre du contexte international de l’Entre-Deux-Guerres.

 Certes, en 1936, la France voit également l’arrivée au pouvoir d’un Front Populaire, réunissant socialistes et communistes, mais il ne s’agit que d’un cas isolé dans une Europe frileuse qui a peur de deux dangers extrêmes. A son extrême-gauche, le marxisme révolutionnaire inspiré par le modèle de l’URSS, espère se répandre dans le monde entier. A son extrême-droite, les dictatures rêvent d’un ordre nouveau où leurs nations puissantes domineraient le monde.

Ainsi, les républiques européennes soutiennent du bout des lèvres les républicains espagnols. Elles apportent leur caution uniquement en soutenant les brigades internationales, composées d’engagés volontaires (dont fera partie l’écrivain MALRAUX) au secours de l’Espagne Républicaine.

Mais ces actions ne feront pas le poids face aux soutiens officiels des dictatures italienne et allemande. MUSSOLINI, comme HITLER envoient troupes armées et armement soutenir FRANCO. C’est un bombardement allemand qui fera des centaines de victimes dans le petit village basque de GUERNICA et inspirera le célèbre tableau du même nom de PICASSO, évoquant l’horreur de cet acte.

Guernica - Pablo Picasso

 

Seule l’URSS, soutient  militairement et en hommes les communistes espagnols, et donc la République. Mais son véritable objectif est l’installation d’un régime communiste, et elle va systématiquement s’opposer, voire éliminer tous les républicains qui ne sont pas d’accord (anarchistes, membres du POUM : Parti Ouvrier d’Unification Marxiste). La résistance ne sera donc pas unitaire face à FRANCO.

 

Au total, la guerre civile fait 400 000 victimes, des milliers de blessés. Des soldats meurent l’arme au poing, mais d’autres sont exécutés sommairement, des populations civiles massacrées.

 

De cette période persistera, la fracture entre deux « Espagne », dont on peut encore sentir le clivage aujourd’hui.

 

LA REPRESSION

La répression a été active dans les deux camps. Cependant, les républicains n’ont pu la maintenir globalement que jusqu’en 1937, et elle était souvent une réaction face au dépit de voir la République attaquée. Elle a été plus systématique chez les nationalistes, qui ont pu poursuivre la traque des républicains, une fois installés au pouvoir. On évoque des chiffres de 20 000 exécutions de  nationalistes dans les régions contrôlées par les Républicains, contre 200 000 exécutions de républicains dans les régions contrôlées par les nationalistes. Mais ces chiffres sont contestées par les historiens.

Le clergé a été la principale victime du camp républicain. Entre 7 et 8 000 prêtres et religieux ont été assassinés juste après la tentative de prise de pouvoir en été 36. Mais il suffisait d ‘être considéré comme catholique pour devenir ennemi et être éliminé.

Les nationalistes ont plus théorisé leurs actions répressives . Il fallait créer « une violence extrême pour réduire l’ennemi », « propager un climat de terreur ». La peur de tous ceux qui craignaient les ouvriers, les socialistes, les communistes, a ainsi pu se transformer en vengeance meurtrière.

La répression franquiste a poursuivi les opposants jusqu’en 1966. Les suspects risquaient la peine de mort ou l’emprisonnement.

Cette politique poussa des milliers de républicains à passer le frontière des Pyrénées et à s’exiler en France, pendant et même après la guerre civile. Ils étaient 180 000 en 1939. Par la suite, certains choisir de retourner en Espagne. Ceux qui restèrent furent longtemps entassés dans des baraques, le long des plages des Pyrénées-Orientales. Les militants, souvent jugés plus dangereux, restèrent sur place, tandis que les autres se regroupèrent dans des zones d’hébergement provisoire plus à l’Ouest et au Centre de la France (voir carte).

Avant la guerre, certains réfugiés ont été recrutés dans les usines. Au tout début de la guerre, les allemands firent des prisonniers parmi les réfugiés espagnols, envoyés au camp de concentration de Mathausen subir une autre forme de répression. Pendant la période d’occupation allemande, ces étrangers, pas forcément bien accueillis en France, viendront grossir les rangs de la Résistance et libérer un pays qui n’était pas le leur, au nom de la liberté et de la démocratie.   

 

En rouge, les camps, camps disciplinaires, voire prisons (fort de Collioure) ou les centres d’hébergement pour hommes, femmes et enfants réfugiés espagnols.

 

CHRONOLOGIE DE LA GUERRE

1936

16 février -  Le Front Populaire gagne les élections

17-19 juillet -  Soulèvement militaire contre le gouvernement de la République. L’Etat procure des armes aux syndicats. La guerre commence dans Madrid et Barcelone.

20 juillet - Le coup d'état nationaliste a échoué ; malgré tout les nationalistes contrôlent un tiers du territoire

4 août  - Avance de l'armée d'Afrique partie de Séville

12 août – Franco prend le titre en chef de l’armée.

28 septembre - Les troupes franquistes prennent Tolède

29 septembre- Franco devient chef du Gouvernement

1er octobre – Franco devient le chef de l’Etat. Il devient le « Caudillo » (le guide)

5 novembre - Transfert du gouvernement républicain à Valence

8-23 novembre - Les Brigades Internationales participent à la défense de Madrid

16-18 novembre - Arrivée du premier matériel soviétique pour les républicains

18 novembre - L'Allemagne et l'Italie reconnaissent Franco

1937

janvier - violents combats dans Madrid

26 avril - Bombardement de Guernica au Pays Basque

3-7 mai – Le camp républicain se déchire : trotskistes du POUM, Anarchistes s’opposent aux communistes qui les écrasent à Barcelone

19 juin - Prise de Bilbao par les franquistes

28 octobre - Transfert du gouvernement républicain à Barcelone

1938

15 avril - Prise de Vinaroz et coupure en deux du territoire républicain

15 novembre - Les Brigades Internationales quittent l'Espagne

23 décembre - Offensive franquiste en Catalogne

1939

26 janvier - Les troupes franquistes entrent dans Barcelone

10 février - La Catalogne tombe aux mains des franquistes

27 février - France et Grande-Bretagne reconnaissent le gouvernement franquiste de Burgos.

31 mars - Les troupes franquistes tiennent Madrid.

1er avril - Fin de la guerre civile. La dictature franquiste s'installe (1939-1975).

 

POUR EN SAVOIR PLUS SUR LA GUERRE D’ESPAGNE

* Dossier

 « La guerre d’Espagne » 1936 – Magazine L’Histoire n° 200

* Roman

« Pour qui sonne le glas », Ernest HEMINGWAY

« L’espoir », d’André MALRAUX 1937

* Film

« Sierra de Teruel » (1939), d’André MALRAUX, tiré de quelques épisodes de son roman « L’espoir »

« Pour qui sonne le glas » (1943), de Sam Wood, tiré du roman d’Ernest HEMINGWAY

Plus récemment

« Land and freedom » de Ken LOACH, évoquant la fin tragique des militants du POUM, éliminés par les communistes.