EDWARD AUX MAINS D'ARGENT

l'histoire

références essentielles

ils ont fait le film

éclairage

pour mieux comprendre

Un soir de neige, une vielle dame raconte à une petite fille l'histoire de la neige qui se confond avec celle d'Edward, un garçon qu'elle aima jadis. Il vivait dans un étrange château, gothique, créature d'un Inventeur qui mourut en le laissant inachevé, des lames de métal à la place des mains. Peg Boggs, représentante en cosmétiques au grand cœur, l'y découvre un jour et le ramène chez elle. Peg offre au garçon une vraie place dans sa famille et bientôt Edward, malgré ou plutôt grâce à son étrange aspect, devient la folie de la petite ville : sculpteur d'arbres, tondeur de chiens, coiffeur extravagant… Mais Edward aime Kim, la fille de Peg, et Jim le petit ami de celle-ci le déteste…

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ÉTATS-UNIS  - 1990 - 1H 47 - VO ET VF

Réalisateur : Tim BURTON
Interprètes
: Johnny DEPP - Winota RYDER - Dianne WIEST - Anthony Michael HALL - Vincent PRICE
Titre original: Edward Scissorhands

haut de pageTIM BURTON

L'univers des Boggs, décrit par Tim Burton dans "Edward aux mains d'argent" est familier au réalisateur, né à Burbanks en Californie en 1959, dans une pure banlieue middle class. Celui du monde d'Edward l'est aussi puisque Tim Burton s'est, dès son plus jeune âge, intéressé à la bande dessinée et passionné pour le cinéma fantastique. Après avoir fait des premières armes aux studios Disney (voir la parenté entre le château fantastique d'Edward au bout de la route et celui de Disney qui introduit le célèbre générique des studios), il réalise son premier courtmétrage Vincent : un hommage à Vincent Price (l'Inventeur d'Edward…), commenté par celui-ci en voix off.

Son premier long métrage, "Pee Wee Big's Adventure" est complètement délirant et il enchaîne avec "Beetlejuice", comédie fantastique, pleine d'humour. Depuis, les réalisations et/ou productions de Tim Burton ont atteint un large public.

Tim Burton, c'est aussi une famille. Il a tissé des liens de film en film avec la plupart de ceux qui font le cinéma : compositeurs, producteurs, scénaristes et acteurs :

Johnny Depp (né en 1963) a joué dans "Edward aux mains d'argent", "Ed Wood" et "Sleepy Hollow"

Vincent Price a été la voix off de Vincent, l'Inventeur d'Edward et le sujet de Conversations avec Vincent Price.
Winona Ryder (née en 1971) a joué dans "Beetlejuice" et dans "Edward..".
Caroline Thompson a écrit les dialogues d'Edward et de "l'Étrange Noël de Monsieur Jack".
Bo Welch est le décorateur de "Batman Returns", "Edward "et "Beetlejuice".
Enfin,
Tom Jones chante dans Edward (générique de fin) et dans "Mars attaque !" où il interprète également un rôle.

FILMOGRAPHIE

1982
VINCENT
(court métrage - production, réalisation, scénario et dialogues)
1982
FRANKEN WEENIE
(court métrage, réalisation, scénario)
1984
ROX ET ROUKY
(The Fox and the Hound - animation)
1985
TARAM ET LE CHAUDRON MAGIQUE
(the Black Cauldron - animation)
1985
PEE WEE'S BIG ADVENTURE
(réalisation)
1988
BEETLEJUICE
(réalisation)
1989
BATMAN
(réalisation)

1990
EDWARD AUX MAINS D'ARGENT
(Edward Scissorhands - réalisation)
1992
BATMAN LE RETOUR
(Batman Returns - réalisation, production)
1993
CABIN BOY
(producteur)
1994
L'ÉTRANGE NOËL DE MONSIEUR JACK
(Nightmare Before Christmas - production, scénario)
1994
ED WOOD
(réalisation, scénario)
1995
BATMAN FOREVER
(production)
1996
JAMES ET LA PÊCHE

GÉANTE
(James and the Giant Peach, production)
1996
MARS ATTAQUE !
(Mars Attacks ! - réalisation, production)
1999
SLEEPY HOLLOW
(réalisation)

Réalisateur, producteur, animateur et photographe, Tim Burton a également publié : The Nightmare Before Christmas et la Triste Fin du petit enfant huître.

 

 haut de pageINTERVIEW de Tim BURTON

T.B. : À l'origine du projet, il y avait un dessin que j'avais fait il y a très longtemps, et que j'aimais particulièrement. il représentait un personnage qui veut toucher ce qui l'entoure, mais ne peut le faire, et dont le désir créateur est en même temps un désir destructeur. Une ambivalence qui a fait surface au moment de mon adolescence, et qui est attaché à ce moment précis de la vie de tout jeune garçon ou jeune fille. Adolescent, j'avais énormément de mal à communiquer avec le reste du monde, et ma personnalité n'avait rien à voir avec l'impression que je donnais - un sentiment assez répandu. Je me trouvais, comme tant d'autres, dans l'impossibilité d'exprimer les sentiments que j'éprouvais
Je me suis rendu compte très jeune que la tolérance n'est pas chose répandue. On doit, dès l'enfance, s'aligner sur certains schémas, en tout cas aux États-Unis. L'école nous dit que celui-ci est intelligent, mais que celui-là ne l'est pas ; que celui-ci est doué pour le sport, mais que celui-là est nul en sport, que celui-ci est normal, mais que celui-là est bizarre. On te fait entrer immédiatement dans des catégories. C'est dans mon agacement face à ces "principes" qu'il convient de trouver l'origine d 'Edward aux mains d'argent". Je
me souviens de ce professeur traitant d'idiot un camarade, alors que ce camarade, je le savais bien, était loin d'être idiot - il était même beaucoup plus intelligent que bien d'autres élèves de la classe -, mais il ne correspondait pas au profil de l'élève intelligent que le prof avait en tête.
On m'a classé dans la catégorie des enfants bizarres, parce que j'étais réservé et introverti. On te met très facilement dans des cases, même à Hollywood. Je rencontre sans arrêt des comédiens coincés dans certains emplois parce qu'on a décrété arbitrairement qu'ils ne pouvaient rien faire d'autre. Je ne comprends pas pourquoi on se comporte ainsi : qui aimerait être victime d'un tel système ? Sans compter que ce que vous êtes censé être ne vous appartient plus, et que ceux qui trinquent le plus sont les gens réservés et différents - et ça, c'est triste et frustrant.


Edward aux mains d'argent peut être vu comme l'une des nombreuses variations de Burton sur le thème de Frankenstein.

T.B. : À l'image initiale symbolisant la marginalité s'est assez vite ajoutée celle des sculptures sur glace et des haies artistiquement taillées, exemple des services qu'Edward pouvait rendre. Est ensuite apparue l'image du monde dans lequel il se retrouvait projeté, celui de la banlieue américaine, où j'avais moi-même grandi. La mémoire fonctionne d'une façon surprenante. Plus on va chercher loin dans ses souvenirs, plus les images qui remontent sont vives. Ce qui est intéressant dans la promiscuité liée au voisinage, c'est que tout le monde connaît tout le monde, sauf sur le plan de la sexualité où tout reste enfoui. Il y a dans la banlieue une perversité à laquelle je n'ai jamais été confronté quand j'étais enfant, mais que j'ai toujours sentie de manière diffuse autour de moi.
Il y a des choses que je ne comprends toujours pas dans la banlieue. Il y a disons, des "zones de vide". Par exemple, toutes ces photos de famille sur les murs. Il y en avait chez moi comme ailleurs. Mais j'avais le sentiment que personne ne les aimait, qu'elles venaient de nulle part. Elles semblaient avoir été là depuis toujours, et jamais personne ne les regardait, Alors que moi je les regardais, et je me posais des questions du type ; "Tiens, qu'est-ce que c'est ? De quel raisin s'agit-il ? Où ont-il trouvé ces grappes de raisin ? Que cela signifie-t-il ?"
Grandir dans ces banlieues, c'était grandir dans un univers sans Histoire, sans culture, sans passions. Les gens écoutaient de la musique - mais l'entendaient-ils vraiment ? On avait l'impression que tout leur était profondément indifférent. Du coup, il fallait ou bien se fondre dans la masse et renoncer à une grande part de soi-même, ou bien posséder une vie intérieure et donc se couper des autres.
Ne va pas croire pour autant qu'"Edward aux moins d'argent" est un film autobiographique au sens strict. Je l'ai voulu aussi objectif que possible, et j'ai été très heureux d'avoir Johnny Depp pour incarner Edward, car c'est une partie de sa vie qui se trouve à l'écran également. Lorsque je l'ai rencontré pour la première fois, c'est ce qui m'a plu en lui : il me suffisait de regarder Johnny pour pouvoir dessiner son univers.


Edward vit son existence solitaire dans le grenier d'un château à l'architecture gothique - un style de décors souvent utilisé par Burton.

T.B. : Sur un plan symbolique, ce type de décors exprime mieux que tout autre l'isolement. C'est aussi en réaction contre l'architecture des banlieues que je l'ai choisi. En réaction à cet univers dans lequel j'ai vécu toute mon enfance ; c'est aussi une manière de se placer au-dessus, d'être en dehors, d'aller au-delà, de vivre dans un lieu qui ne ressemble pas à un intérieur de boîte à chaussures.

Le final d'Edward aux mains d'argent, avec la foule déchaînée qui poursuit et tente de détruire le monstre dans sa tanière, n'est évidemment pas sans rappeler le dénouement du FRANKENSTEIN de James Whale, déjà repris par Burton dans son Frankenweenie.

T.B. : L'adolescent que j'étais ne pouvait pas s'empêcher de voir dans de telles images le reflet de sa propre vie. J'ai toujours pensé que le seul moment où je verrais tous nos voisins ensemble dans la rue, ce serait en cas d'accident ou de catastrophe - des circonstances qui peuvent réveiller une dynamique de foule. J'ai toujours été fasciné par le parallèle qui existe entre la vie en banlieue et les films d'horreur.

 

 

haut de pageTIM BURTON ET LES CONTES
U
N MONDE DE DIFFÉRENCES

Le héros burtonien est habité par la peur d'être insuffisamment armé pour affronter la vraie vie. Si peu d'enfants naissent difformes, la psychologie enfantine nous apprend que tous s'imaginent l'être. Dans Edward aux mains d'argent, la supplique de Johnny Depp devant le cadavre de son créateur -"Je ne suis pas fini…"- prend dès lors un tour poignant puisque l'enjeu est d'importance : plus que l'aspect pratique (oui, il a des lames à la place des doigts), c'est l'aspect fantasmagorique qui touche car Edward, expulsé du paradis infantile, va devoir partir. Et partir seul. C'est l'histoire du Pingouin de BATMAN : LE DÉFI, lâchement abandonné dans les égouts par ses parents, en raison de sa laideur.

(…) Le héros d'un conte pour enfants échoue toujours s'il ne reçoit pas d'appui extérieur, et nulle oie sauvage, nulle fée, nulle figure parentale ne vient jamais aider le Pingouin ou Edward.

Surtout pas Edward, littéralement jeté dans la fosse aux lions, qui subit même explicitement une tentative de viol dans l'arrière boutique d'une commerçante. Bettelheim signalait l'influence dans le monde anglo-saxon, d'un conte étrange intitulé JACK ET LA PERCHE À HARICOTS : le jeune héros de l'histoire obtenait la fille du roi en mariage mais ne la touchait pas. Les lames au bout des mains d'Edward font bien état de sa puissance phallique - ce sont elles qui attirent la commerçante - mais ne lui tiennent pas lieu à cet instant du récit, de maturité sexuelle. et ce n'est qu'après en avoir fait la preuve via l'expression artistique (il utilise son infirmité pour sculpter la glace avec virtuosité) qu'il pourra prétendre à une idylle avec une jeune fille de son âge. La portée didactique est ici éternelle : la puissance n'est rien sans la maîtrise ; Et celle-ci requiert un long et difficile apprentissage.

L'expression artistique, signe de maturité ? Burton s'est longuement expliqué sur le sujet : "
Ce que j'apprécie aujourd'hui chez les enfants, c'est leur intelligence et la pureté de leur imagination. En vieillissant on perd ces qualités : si on ne les perd pas ça ne veut pas dire qu'on est infantile ou qu'on refuse de grandir mais qu'on s'accroche à une pureté qui ne peut être saine que dans le domaine artistique. Tous les grands artistes ont cette chose grandiose, sauvage et enfantine".

(Sources : Cahiers de notes sur…(École et cinéma) ; Tim Burton par Tim Burton de M.Salisbury ; Repérages n°10)


L
E MYTHE DE FRANKENSTEIN(créé par Mary Shelley en 1918)

Incarné par l'acteur Vincent Price qui a joué toutes sortes de rôles fantastiques, l'adorable Inventeur d'Edward, n'est pas sans lien de parenté avec les savants fous dont le baron Frankenstein est l'illustration la plus célèbre. Leur idée fixe est souvent la création d'un androïde qui pourra ou non s'adapter au monde des humains. En ce qui concerne le garçon aux mains d'argent, n'oublions pas que d'emblée la petite fille interpelle sa grand-mère qui l'évoque : - A man ? (un homme ?) - Yes (Oui) répond-elle.


D
ES NOMS PORTEURS DE SENS :

EDWARD, c'est Ed-Ward qui a beaucoup de sens, puisque "Ward" signifie "pupille", au sens d'orphelin mineur sous tutelle.
Séquence 7 : "Boy born without eyes reads with his hands" ("Un garçon né sans yeux lit à l'aide de ses mains") dit la coupure de journal dans sa cheminée. Celle-ci doit être entendue par opposition en ce qui concerne Edward : né sans mains, ce garçon déchiffre le monde avec les yeux. Il est un grand œil qui s'ouvre avec le film, que jamais, à la différence du "Chien andalou" de Bunuel et Dali, les lames coupantes ne viendront barrer et interdire.
PEG, le nom de la bonne mère, signifie "cheville, piquet" - une clothes peg est une "pince à linge" -, et aussi "prétexte, excuse" : c'est elle qui soutient Ed, elle aussi qui ne cesse de s'excuser de ses actes.
JIM, l'abominable petit ami sportif de Kim, n'a rien en lui de noble, et porte par dérision le nom du héros de Kipling (Lord Jim) ; les prénoms du couple d'adolescents renvoient à celui du réalisateur lui-même (Kim/Jim/Tim).
 

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